Complémentaires, l’enfer n’est jamais certain
Complémentaires, l’enfer n’est jamais certain !
Tout nouveau cycle de négociations AGIRC et l’ARRCO est une tragédie bien huilée. Le catastrophisme est de rigueur surtout au début de la négociation. Les participants adoptent des postures de principe. Pour le cycle version 2015, nous n’échapperons pas à la tentation de la montée aux extrêmes et à des menaces de ruptures. Néanmoins, les partenaires sociaux savent qu’il leur faut obtenir un accord faute de quoi le Gouvernement pourrait reprendre en main un de leur dernier espace de liberté.
Sommes-nous à la veille de la fin des complémentaires ?
Pas de catastrophisme, les régimes de retraite complémentaires, AGIRC pour les cadres et ARRCO pour l’ensemble des salariés, n’ont pas de problèmes pour verser les pensions en 2015. Simplement, les réserves financières qui permettent de compenser leur déficit technique auront disparu en 2018 pour l’AGIRC et en 2027 pour l’ARRCO. A la différence du régime général qui est en perte depuis des années, les régimes complémentaires doivent être à l’équilibre. Ils ne peuvent pas reverser leurs pertes à la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale.
Un problème connu de tous…
Le problème des complémentaires est d’une simplicité biblique. Le nombre de retraités augmente avec le vieillissement de la population. A cette évolution naturelle, il faut y adjoindre un effet de cohorte. Les retraités des anciennes générations qui décèdent étaient peu nombreux. Ils sont nées dans les années 20 à 30 du précédent siècle. Ils avaient des pensions réduites car ils avaient peu cotisé, les régimes complémentaires ayant été institué en 1947 pour l’AGIRC et en 1961 pour l’ARRCO. Ils sont remplacés par de jeunes retraités issus du baby-boom qui ont, de ce fait, cotisé aux régimes complémentaires durant toute leur vie professionnelle et dont les pensions complémentaires sont donc plus importantes. En outre, pour l’AGIRC, le nombre de cadres a fortement augmenté à partir des années 60. Cette transformation démographique de la société française est également une des raisons de la dégradation des comptes de l’AGIRC.
Cette maldonne démographique s’accompagne d’un contexte économique peu porteur. Le chômage élevé, la stagnation des salaires ont tari le flux de recettes. Ainsi, pour l’AGIRC les dépenses s’élèvent à près de 22 milliards d’euros quand les recettes ne s’établissent qu’à 19 milliards d’euros. Logiquement, Pôle Emploi est censé verser les cotisations des demandeurs d’emploi cadres ; or ce n’est pas le cas. L’arriéré de paiement est de plusieurs milliards d’euros. L’enjeu est crucial pour les cadres car les pensions complémentaires représentent 60 % de la retraite.
Pas de solution miracle
Deux voies existent, augmenter les cotisations et réduire les dépenses. Ce processus a été engagé depuis plus de 20 ans. Le rendement des régimes AGIRC et ARCCO a fortement baissé depuis 1993.
Les régimes complémentaires sont des régimes par points avec un prix d’acquisition et un prix de restitution au moment de la liquidation des pensions. Une fois liquidées, les pensions sont actualisées en fonction des règles décidées par les partenaires sociaux qui gèrent les régimes. L’acquisition des points par les salariés s’effectue à partir des cotisations salariales et employeurs sur les salaires. Avec la montée du chômage et avec la stagnation des salaires, les recettes des régimes de retraite complémentaire sont insuffisantes face à la montée inexorable des dépenses. L’absence d’inflation complique un peu plus la donne en réduisant le montant facial des cotisations.
Dans le cadre de l’accord du 13 mars 2013, les partenaires sociaux avaient prévu de ne plus actualiser le montant du point en fonction de l’inflation. Ils avaient prévu également de modifier les valeurs d’acquisition. Les décisions prises en 2013 portaient sur 5 milliards d’euros. Compte tenu de la situation économique, il faudrait doubler la mise.
Reporter l’âge de départ à la retraite : un casus belli
Les régimes AGIRC et ARRCO n’ont jamais réellement intégrés le principe de la retraite à 60 ans. En effet, en 1982, la décision d’avancer l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 60 ans pour les régimes de base s’est appliqué, par défaut et contre l’avis du CNPF de l’époque, aux régimes complémentaires qui ont dû prendre en charge le surcoût. A cet effet, il a été créé une contribution spéciale appelée AGFF qui permet de financer en partie les pensions versées entre 60 ans (progressivement 62 ans) et 65 ans (progressivement 67 ans). Ce système de compensation n’a jamais été pérennisé et fait l’objet de renégociation périodique. Le terme du précédent accord intervenu en 2011 est le 31 décembre 2017. Si l’accord AGFF était remis en cause partiellement ou totalement, cela signifierait que les salariés partant avant l’âge de la retraite (65 voire 67 ans) subirait une décote en fonction du nombre de trimestres manquant. Jusqu’à maintenant, les gouvernements ont toujours obtenu un accord en menaçant d’imposer par la loi le versement des retraites complémentaires à partir de 60 ans.
Dans les faits, le patronat essaie d’entraîner les partenaires sociaux sur un détricotage de l’AGFF. Il avance comme proposition une entrée progressive des pensions complémentaires entre 62 et 65 ans. Une décote serait appliquée sur les pensions versées entre 62 et 65 ans. Les syndicats ne sont pas enclins à accepter une telle mesure qui revient à remettre en cause le principe de l’âge légal. Une telle solution pourrait à terme s’appliquer au régime de base. Il est également évoqué la possibilité de faire cotiser à l’AGFF les cadres sur la tranche C de salaire, c’est-à-dire le montant de salaires dépassant 12 516 euros. Cette mesure ne peut à elle seule équilibrer les comptes de l’AGIRC mais devrait servir à atténuer des mesures impopulaires comme la hausse des cotisations, la remise en cause des droits à réversion ou l’augmentation du taux d’appel.
La difficile augmentation des cotisations
Le Gouvernement a déjà décidé d’augmenter les cotisations retraites pour financer le régime de base. Il est, de ce fait, compliqué surtout au moment où le pacte de responsabilité entre en vigueur de relever les cotisations des complémentaires. Si augmentation, il y a, c’est certainement les salariés qui risquent d’en payer la note ce qui signifie une perte de pouvoir d’achat.
Toujours dans la rubrique des augmentations de cotisations, le taux d’’appel de cotisation pourrait être modifié. Aujourd’hui, le taux d’appel est de 125, c’est à dire que 125 euros de payer, seulement 100 servent à acquérir des points. Le taux d’appel pourrait être porté à 130.
La réversion dans le collimateur
Les règles de la réversion pourraient être revues. L’âge de versement de la réversion pourrait être aligné à 60 ans pour les deux régimes. Le taux de la réversion pourrait être diminué à 50 % au lieu de 60 % actuellement.
Valeur de rachat
A terme, la valeur du point de rachat, celui servant à calculer les pensions ne devrait pas être réévaluée comme cela est le cas depuis deux ans. Actuellement, le gain est faible du fait de la faible inflation mais à terme cette mesure peut générer des gains non négligeables mais au prix d’une érosion du pouvoir d’achat.
La fusion pour quelques économies de gestion
Au niveau de l’organisation, il est fort probable que le processus de fusion l’AGIRC et l’ARRCO soit mené à son terme à plus ou moins court terme. Cette fusion permettra quelques économies de gestion mais sans rapport avec les sommes à trouver. Certes, la Cour des Comptes, dans un précédent rapport, a souligné que les coûts de gestion étaient élevés, autour de 2,7 %. Il est certainement possible à terme de gagner quelques centaines de millions d’euros.
Les partenaires sociaux sont attendus au tournant avec cette négociation. Le Medef entend défendre une position dure d’autant plus que sa base a tendance à se radicaliser. La CGT a besoin de se refaire une légitimité après une séquence interne un peu agitée. Elle s’opposera aux propositions du MEDEF et de la CFDT. La CFE-CGC se battra pour éviter la disparition de l’AGIRC, disparation qui pourrait à terme menacée la confédération. La CFDT tentera d’étendre son territoire avec une éventuelle fusion AGIRC / ARRCO et affaiblir la FE-CGC. FO devrait jouer les arbitres de ce jeu assez complexe…
Le MEDEF a dégainé ses propositions le 5mars. Elles permettent de prendre date. L’organisation patronale sait qu’elles ne peuvent pas être adoptées en tant que telles par les syndicats. Ces propositions ont objectifs de ééquilibrer les comptes de l’AGIRC et de l’ARRCO. d’ici 2020 avec7,1 milliards d’euros d’économies.
Le MEDEF souhaite ainsi peréniser le gel des pensions complémentaires ces trois prochaines années ce qui pourrait générer 4 milliards d’économies en 2020 mais comme l’inflation est faible, le rendement pourrait être moindre.
Afin de reporter l’âge de départ à la retraite, le MEDEF veut introduire un système de «minoration temporaire et dégressive». Un cotisant liquidant sa retraite dès 62 ans subirait une décote de 20 à 40 % selon les trois scénarios proposés aux syndicats. Plus l’assuré partirait tard, moins cette décote serait élevée, jusqu’à disparaître à 67 ans, l’âge de départ à taux plein. Cette mesure pourrait économiser entre 2,1 et 4,3 milliards à horizon 2020. Le MEDEF préconise d’appliquer cette disposition à partir du 1er janvier 2017.
Depuis des années, les pensions de réversion sont sur la sellette. Ainsi, pour les complémentaire, une veuve (ou un veuf) touche 60 % de la pension complémentaire du défunt. Selon la proposition du MEDEF, à partir du 1er janvier 2016, les cotisants devraient faire un choix au moment de prendre leur retraite. Soit ils assurent à leur conjoint en cas de décès une réversion identique à celle d’aujourd’hui, mais acceptent en contrepartie une réduction de pension de 2 %, 4 % ou 5,5 %. Soit ils veulent maintenir une pension pleine et entière et acceptent que le conjoint ne touche qu’une réversion comprise entre un tiers et la moitié de la pension du défunt. Selon les options retenues, la mesure pourrait générer une économie de 100 à 300 millions en 2020.
Par ailleurs, de manière classique, le MEDEF prévoit d’augmenter la hausse du prix d’achat des points de retraite par les cotisants. Il faudra plus de cotisations pour acheter des points de retraite donc c’est une dégradation du rendement des retraites complémentaires qui est proposé. Cette mesure devrait rapporter 200 millions en 2020 mais… 4,6 milliards en 2040, quand les actifs d’aujourd’hui feront valoir leurs droits amoindris à la retraite.
Le MEDEF prévoit également la fusion AGIRC / ARRCO en 2019.
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