LE LIBERALISME AMERICAIN CONTRE MICROSOFT

17/02/2000, classé dans

Le libéralisme américain n’est pas un jungle

I. L’AFFAIRE MICROSOFT

Microsoft, la première entreprise mondiale de logiciels qui a réussi à imposer Windows sur tous les continents sera-elle obligée d’éclater ? Bill Gates, l’homme le plus riche du monde, devra-t-il payer des milliards de dollars de dédommagements ?

L’histoire américaine se répète-t-elle sans fin ?

En effet, depuis l’adoption, le 2 juillet 1890, du Sherman Act interdisant « tout contrat, combinaison sous forme de trust ou autre, ou conspiration restreignant le commerce ou les échanges », la lutte contre les trust constitue une dominante de la vie américaine. Depuis cent ans, la loi Sherman permet de maintenir la concurrence et d’éviter l’instauration de monopoles.

Ainsi, en 1911, la Cour Suprême des Etats-Unis ordonna la dislocation de la Standart Oil, dirigé par Rockefeller, en 34 entreprises différentes et autonomes. La société pétrolière pour acquérir au moindre prix ses concurrentes vendait à perte le pétrole et portait ainsi préjudice à la libre concurrence.

En 1982, la firme de téléphone ATT dut se séparer de ses 22 entreprises de téléphones locales.

Pour Microsoft, le rapport du juge Jackson a établi qu’il y a un rapport de monopole et que cette entreprise a abusé des services d’exploitation que propose l’entreprise de Seattle pour écarter ses rivaux.

Il y a une constante aux Etats-Unis, ce sont toujours les secteurs clefs qui font l’objet d’une lutte anti trust sans merci. C’était au début du XX ième siècle, l’industrie pétrolière qui était visée ; c’était au milieu du siècle, l’acier, c’était à la fin des années soixante, le secteur du téléphone et l’informatique ; c’est aujourd’hui le secteur du logiciel.

En France, les procédures anti-monopoles sont réduites à leur strict minimum. Elles servent avant tout à empêcher une entreprise étrangère de s’approprier une firme française. Quand Carrefour fusionne avec Promodes, les pouvoirs publics se félicitent de la constitution d’un champion national. En France, on a un goût immodéré pour les monopoles : Usinor-Sacilor pour la sidérurgie, Péchiney pour l’aluminium, EDF pour l’électricité, France Telecom et la SNCF pour le transport ferroviaire…

II. LES PRECEDENTS

1. Standart Oil

En 1911, la Cour Suprême demande le démantèlement de la holding Standart Oil qui a contrôlé jusqu’à 90 % du marché pétrolier en 34 compagnies indépendantes dont Amoco, Mobil, Chevron et Esso.

2. ATT

En 1982, la compagnie accepte de transiger avec le gouvernement fédéral en se séparant de 22 compagnies locales de téléphones pour 80 milliards de dollars. La mama bell accouche de 22 baby bell. La concurrence forcenée qu’a provoqué cette scission a permis le développement de la concurrence sur Internet.

3. IBM

Le même jour que la décision sur ATT, le gouvernement abandonne son action vis à vis d’IBM.

III.  LE DOSSIER MICROSOFT

Dans un document de 207 pages, le juge Thomas Penfield Jackson a accueilli favorablement les conclusions du ministère public contre Microsoft.

Pour la défense de l’entreprise de Seattle, Microsoft est devenue un monopole par le simple fait de vendre des logiciels que les consommateurs voulaient acheter. Le souhait d’avoir un même système d’exploitation sur les ordinateurs répond à un besoin de simplicité.

Microsoft a créé une norme. Windows est devenu un produit universel qui s’impose aux consommateurs. Il n’y a pas de précédent dans l’histoire économique. Windows s’apparente à un langage qui aurait remplacé tous les dialectes.

Cette entreprise, à la différence d’ATT qui avait bénéficié d’avantages accordés par les pouvoirs publics, s’est développé sans aide gouvernementale.

Microsoft ne domine pas la planète informatique, il contrôle que 12,5 % du marché global.

Néanmoins selon le juge Thomas P Jackson, Microsoft détient de fait un prodigieux monopole sur le marché et l’entreprise a abusé de cette situation pour étouffer la concurrence notamment sur les marchés des navigateurs Internet. Microsoft a en effet livré Windows avec le logiciel Internet explorer et en rendant plus difficile l’installation de logiciels concurrents.

La procédure judiciaire devrait durer encore un an. Les avocats de Microsoft continueront de plaider qu’il n’y a pas abus de position dominante. En cas de défaite, soit Microsoft sera couper en petits morceaux ce qui ne changera rien pour la domination de Windows, soit il y aura versement d’une très forte amende, soit Windows sera considéré comme un bien universel ne pouvant pas donner lieu au versement de royalties.

Pour le moment, Microsoft tente de trouver un compromis avec les autorités afin d’échapper au jugement.

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